« Fais bon accueil aux étrangers, car toi aussi, tu seras un étranger. » — Roger Ikor

Vivre toute une vie sans passer, ne serait-ce qu’un jour, dans les souliers de l’étranger, est-ce possible?

La vie d’étrangère je la connais si bien que je l’aime et la revendique. Il y a, je trouve, quelque chose de romantique dans la situation d’étranger. Cette position d’outsider qui parvient à s’intégrer, à la sueur de son front, à force de d’adaptation, changement d’accent, d’habitudes, de réalités… La majeure partie de ce travail se fait avec le cœur, les sentiments, la passion pour ce nouveau projet de vie qui nous a mené ailleurs; loin de nos réalités, de nos facilités. L’étranger; celui qui un instant porte les couleurs de son pays, l’instant d’après arbore le blason de son intégration, comme un caméléon en constante adaptation, comme si c’était tout naturel…

Pourtant l’intégration, l’adaptation – même lorsqu’elle est aisée – est faite de petites incompréhensions, d’histoires drôles, de quiproquos. Lorsque la vie nous a moins gâtés elle peut être faite de déchirures, de blessures profondes. Dans tous les cas elle forge nos caractères, nous permet, lorsque notre être atteint son épanouissement complet, d’inscrire, sans avoir peur d’être contredits, en caractères gras sur notre curriculum vitae que nous sommes flexibles, ouverts au changement, avons une grande facilité d’adaptation et aisance communicationnelle…

Pour ma part la vie d’étrangère a été parsemée de quelques petites déchirures – celles de la vie, la tristesse d’être loin, l’incertitude etc. – et de petites histoires d’enfance, apprentissages. Un exemple? True story : je portais un appareil dentaire quand j’étais gamine. Inutile dire que je le détestais de tout mon cœur de pré-adolescente, mais ce n’était rien de vraiment particulier puisque la moitié de mes amies romaines en étaient également affublées. Nous formions une sorte de consœurie de fillettes aux dents de métal et nous finîmes par nous habituer à ce statut temporaire qui allait nous permettre, 24 mois et autant de séances de torture chez le dentiste plus tard, de fièrement sourire de nos 32 dents parfaitement alignées. Cela faisait déjà plusieurs mois que j’avais mon appareil dentaire. Je ne le voyais plus, je m’y étais habituée. Arrivée à Saint-Louis pour mes vacances d’été tout le monde avait les yeux rivé sur moi. J’ai tout eu. De Robocop à « Beuñou or » (Dents en or en wolof). Lourd? Oui. Grave? Non.

Ma vie est pleine de petites histoires de vie telles que celles-ci, histoires que nous vivons tous, duraliens précoces qui avons, dans notre enfance, vécu et grandi dans plusieurs coins.

Mopaya est un projet qui me touche car il se nourrit de ces anecdotes qui me rappellent ma vie, mon enfance et les questionnement et défis qui parsèmeront toute mon existence. Il est intéressant car il pourra sensibiliser aux réalités de l’immigration ces enfants qui seront, pour la plupart, amenés à s’éloigner de leur terre natale, que ce soit sur leur continent ou ailleurs.